TF.

Vallée du silicium

L'Amérique n'est ni un rêve, ni une réalité, c'est une hyperréalité. C'est une hyperréalité parce que c'est une Utopie qui dès le début s'est vécu comme réalisée. Tout ici est réel, pragmatique, et tout vous laisse rêveur. [...]
Les Américains, eux, n'ont aucun sens de la simulation. Ils en sont la configuration parfaite, mais ils n'en ont pas le langage, étant eux même le modèle. Il constitue donc le matériau idéal d'une analyse de toutes les variantes possibles du monde moderne. [...]
L'Amérique est la version originale de la Modernité, nous somme la version doublée ou sous-titrée [...]

Un seul anneau pour le gouverner tous?

Sur le ring d'Appple, le centre du monde, le technococon et la réalité mixte

Le ring, siège social d'Apple. Son architecture comme métaphore de l'environnement clos et privé d'Apple.
Le design de la transparence et des rectangles arrondis lisses, la simplicité de l'élégance poussée à l'extrême.
Le nouveau Vision Pro qui réencastre le corps dans le Technococon, pour l'y immerger entièrement.

La ville aux voitures vides

Sur la voiture comme allégorie d'une époque, nos autonomies déléguées et la loi du moindre effort

Le développement des voitures autonomes et ce qu'il dit de notre rapport au monde.

La technologie vit sur la délégation des puissances en pouvoirs: puissance de se repérer et du rapport à l'espace contre pouvoir de se faire guider, puissance de se faire à manger contre pouvoir de faire livrer, puissance de conduire contre pouvoir de se faire conduire.
Retournement du Capitalisme américain: de la puissance de l'industrie automobile dans les années 60, avec sa promotion de la Liberté individuelle et de la vitesse, aux géants du numérique qui terminent par nous émanciper de l'ennui de conduire, tout en nous soumettant à des algorithmes de sécurité (éviter les accidents) et de surveillance (vente des données aux assureurs)

Aliénation issue de la délégation à la machine:

Tout est censé être fluide mais rien ne le sera: il faudra s'adapter aux routines du robotaxi, à ses bugs, à ses contraintes techniques et a ses règles de sécurité absurdes visant à parer à 1 incident sur 20000 en exaspérant 19999 clients au nom de ce cas aberrant exceptionnel.

=> la relation à ce nouveau pouvoir crée de l'indisponibilité monstrueuse et muette si elle n'est pas développée dans une nouvelle puissance (cf #Trouvère > portrait du programmeur en artiste pour le dévéloppement d'une telle puissance en tant que développeur, puissance qui se fonde sur le pouvoir que confèrent les ordinateurs, puissance d'automatiser qui devient pouvoir de faire faire pour les non initiés)

Dans le Capitalisme numérique, le rôle du corps est incertain. Le matériel tend à disparaître, comme dans une vision poussée à l'extrême d'un protestantisme puritain

L'enjeu-clé de toute emergence technologique: à savoir aux usages et plus largement à la culture d'utilisation que cette invention va potentialiser.

La ligne de coupe

Sur les frontières, le métavers, le mouvement fixé des corps et les mots de passe

La Vérité de ce monde qui vient est qu'il ne veut plus, physiquement, qu'on bouge.
[...]
Par contre doit se conserver l'impression de bouger, sans cesse[...]. Ce n'est même pas l'esprit qui bouge et doit bouger.

Le code de la séparation a sa méthode: nous unir en-tant-que-séparées. Simul & singulis: être ensemble et être soi. Rester soi en restant ensemble à distance/ne jamais réellement sortir d'un branchement circulaire à soi-même

La frontière comme élément central de notre monde. La séparation.
Ces frontières se sont aussi multipliée sur le web (inscription partout) qui devait à la base être un espace de circulation libre.

En conséquence, le Désir de bouger s'amoindri même, et "la maison devient notre empire", notre Technococon.

La frontière est l'autre nom de la peur. Sa matérialisation physique. Une frontière est faite de grillages barbelés à l'espoir d'une sécurité impossible. Un jour, on comprendra peut-être qu'il n'existe pas de formule sociopolitique pour être tranquille d'avance. Une société qui espère cette sérénité se suicide comme société libre

Préférer construire des ponts, faire des liens, partager pour mettre à jour ses frontières intérieures

Et quand tombent tes murs intérieurs et tes faux plafonds, tu mesures que tu es plus vaste que tu ne le croyais. Enfin disponible au frisson qui va te trembler. Ton volume vital se met à respirer et à vibrer comme le booster d'une enceinte. De toi sort doucement une nouvelle musique, qui peut s'écouter, se chanter ou se danser.
Alors quelque chose, avec les autres, peut se passer.

Love me Tenderloin

Sur le quartier de Tenderloin, les homeless, notre conjuration du lien et l'Utopie qui couve

Ce qui manque, c'est une aptitude, désormais largement perdue, laissée en jachère ou en friche par nos modes de vie numériques, à pouvoir nous confronter à l'altérité. À ce qui n'est pas nous, à ce que nous ne vivons pas, ne partageons pas directement.

Comment créer du lien, de l'ensemble.

La dématérialisation constitutive des réseaux sociaux fait néanmoins office de solvant sur les solidarités de voisinage en diluant toute présence et tout vécu local commun au profit terminal d'une existence liquide qui va demeurer "remote" - terme puissant en anglais pour dire isolé, éloigné, reculé, à distance tout en conservant une connotation de... télécommande.

Les GAFAM [...] nous ont donné le moyen de devenir de parfaits in/dividus autosatisfaits, ou crus tels, se voulant tels - c'est-à-dire des êtres humains qui ne se divisent plus. Qui ne se partagent pas avec d'autres, n'offrent pas un seul morceau de ce qu'ils sont à des pairs qui en auraient besoin.

Le problème à quatre corps

Sur l'avenir de notre santé, le corps, le décorps & le raccorps ... et quelques autres encore

  • Le premier corps est organique, viscérébral, plein de vitalité.
  • Le deuxième corps, le décorps, c'est le vaisseau de chair qui transporte ce que la Modernité considère comme notre vrai nous. Le corps insuffisant, malade, limité, désaffecté.
  • Le raccorps, c'est la solution aux limites du second corps. C'est la couche de raccordement de l'homo numericus. C'est le quantified-self. C'est le corps du transhumanisme
  • L'accorps, c'est l'inconscient, c'est la vitalité chaotique en nous qui nous rappelle que le deuxième corps n'est pas tout ce qu'il y a.

Trouvère > portrait du programmeur en artiste

Sur l'intelligence Amie, la technologie qui émancipe et l'art de vivre avec nos machines

Faire naître dans l'inerte. Un intense Bonheur en découle, qui tient aussi à cette augmentation de nos capacités qu'autorise la machine qu'on domestique et qui va nous épauler, chercher à notre place et trouver grâce à nous.
[...]
Quelque chose qui relève du frisson de se prolonger, de faire fluer l'énergie au bout de ses doigts

L'art de vivre avec la technologie comme un artisanat:

Un artisan total, qui fabrique à la fois ses propres machines, sa propre matière et sa façon unique de les solliciter.

La condition d'une relation saine à la technologie, c'est la possibilité de "bricoler", de développer une autonomie relative aux techniques, d'en être lettré, de pouvoir établir un Dialogue:

Non qu'il s'agisse de maîtriser l'outil [...] : il s'agit, dans la relation indiscutable qui se développe au quotidien entre nous et nos technologies amies, de faire en sorte que cette relation préserve notre liberté et respecte nos rythmes organiques

Ivan Illich et les Technologies conviviales:

Toute tech féconde est d'abord une tech qui émancipe celle ou celui qui l'utilise, qui libère pour elle et en lui des capacités cognitives et des savoirs appropriables.
Bref de nouvelles possibilités de vie.

L'outil convivial répond à 3 exigences:

  • générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle
  • Ne susciter ni maitre ni esclave
  • élargir notre rayon d'action personnel

Pouvoir ou puissance

Sur la technologie comme économie de désirs, le biopunk face au cyberpunk, le combat subtil des imaginaires et l'éducation qui peut nous libérer

La technologie n'est pas neutre:

  • Elle porte en elle la Valeur de l'efficacité, la recherche de performance. Heidegger => "la Technique est une manière de dévoiler le réel comme ce qui doit être arraisonné, c'est-à-dire mis à la Raison, mobilisé, exploité et mis en demeure de livrer une énergie qui puisse être extraite et accumulée"
  • L'innovation dépend de la recherche, qui dépend des financements, qui dépend du potentiel d'utilité. Gilles Deleuze => "la machine reste donc toujours sociale avant d'être Technique"
  • Ses effets sont multiples et difficiles à anticiper
  • Toute technologie porte en elle un rapport au monde, elle situe notre Liberté. Quand bien même nous sommes libres de ne pas l'utiliser, cette Liberté s'exerce dans un monde déjà changé par l'Existence de cette technologie

La SF doit battre le Capitalisme sur le terrain du Désir.

La mythopoïèse est l'art précieux de faire pousser des mythes dans les interstices du béton effondriste.

Le biopunk comme horizon SF de cette création de Désir d'être plus vivant. Le biopunk contre le cyberpunk dépassé par les technologies du Capitalisme qui nous dévitalise.

Pour Sapiens, l'espace fertile n'est ni l'intérieur, ni l'exterieur: il est cette lisière tremblée où l'on s'élève en se confrontant à ce qui n'est pas nous et que j'aime à appeler: l'altérieur.

Si la mythopoïèse est l'avenir du politique, comme je le crois, elle l'est parce que seul le Mythe a cette faculté de fusionner affects, percepts et concepts dans une seule boule d'énergie, dans un seul soleil de la taille d'un poing où toutes nos mains se fondent.

Lorsqu'on écrit, on se figure souvent que résister revient à argumenter. Ca n'a jamais suffi. Résister n'est pas davantage émouvoir, alerter ou faire peur. Résister consiste à ressusciter le désir.

Il faut développer un art de vivre les technologies. Comment éduquer pour développer cet art de vivre?